Monique Giroux et la chanson francophone, c’est l’histoire d’une passion qui dure depuis 40 ans. Reconnue de part et d’autre de l’Atlantique par le « métier », l’animatrice de Radio-Canada, qui se revendique féministe et masculiniste, puise ses trouvailles aux quatre coins de l’Hexagone et du Québec.
Par Nathalie Simon-Clerc (l’Outarde Libérée)
« Je suis féministe, libre, souveraine et masculiniste, car les hommes doivent avoir les mêmes droits que moi », assure celle que tout le monde appelle « Monique ». Tout de noir vêtue, comme à son habitude, elle se livre sans détours, et s’insurge contre la récente polémique sur le féminisme avec la ministre Thériault : « Qu’est-ce que c’est que ces dirigeants qui ne comprennent pas le sens des mots? » En ce 8 mars, elle veut célébrer la journée DES femmes, car « LA femme n’existe pas, il y a autant de modèles que d’individus », justifie-t-elle. En boutade, relevant sa mèche brune d’un revers de main, elle lance : « J’ai une tronçonneuse, comme un homme! » Car sa seconde passion, c’est la rénovation, la maison et le design.
Mais celle qui a pour amies Juliette Gréco ou encore Ariane Moffatt, qui regardait la cassette VHS de Saturnin avec Ricet Barrier, et qui voulait être photographe pour rester dans l’ombre, rappelle que La Bolduc fut la première féministe, suivie de Pauline Julien et Diane Dufresne dans les années 80. « C’est moins le cas avec la génération actuelle, car la chanson sert à autre chose maintenant », regrette Monique.
On a encore le mandat de faire découvrir des artistes
La génération actuelle, elle l’a découverte, portée et défendue. « J’ai créé un métier qui n’existait pas : trouver, proposer, défendre des artistes », argumente celle dont on ne sait plus si elle observe la scène musicale francophone ou si elle en fait partie. « À Radio-Canada, on a encore le mandat de faire découvrir des artistes », admet-elle.
Ses yeux bleus pétillent derrière la monture noire de ces lunettes quand elle parle de Navii (J’écoute du Miles Davis) ou Feu! Chatterton (Boeing) qu’elle a fait découvrir il y a peu à ses collègues de Radio-Canada, société d’État dont elle est employée depuis 30 ans. C’est aussi elle qui propulse Lisa Leblanc aux Francofolies de La Rochelle, en la recommandant à Valérie Lehoux, journaliste à France-Inter. D’ailleurs, en France, on la compare au regretté Jean-Louis Foulquier1. Les émissions comme La Voix ou Star Académie ? Elle affiche une moue dubitative. « J’ai quand même noté un effort dans le répertoire, et puis c’est le dernier show de variété à la télévision dans lequel il y a de la musique. »
La passion qui est née, quand elle avait 10 ans, alors qu’elle entend La complainte du phoque en Alaska (Beau Dommage), ne l’a jamais quittée. « Ma vie a changé en trois minutes! », affirme l’animatrice radio-canadienne. Depuis, elle n’écoute que des chansons « qui ont quelque chose à dire » .
Elle concède faire ses deux émissions de fin de semaine sur Ici Musique2, comme dans son salon, quand elle fait écouter les disques qu’elle aime à ses amis. Pourtant, elle n’a jamais voulu franchir le pas vers « le métier », même si elle a écrit une chanson avec Pierre Calvé, qui lui a rapporté 7,22$. « Je connais trop de bonnes chansons pour me permettre d’en écrire », argumente Monique.
Les médias français nous regardent de moins haut
Les bonnes chansons, on les trouve des deux côtés de l’Atlantique, selon l’animatrice. Elle concède que, si la chanson française a longtemps influencé le Québec, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Elle souligne les collaborations entre Daniel Bélanger et Christophe, Pierre Lapointe et Calogéro, Ariane Moffatt et Amandine Bourgeois. « La collaboration Plamandon-Berger a été déterminante », explique Monique. Elle ajoute que le regard des médias français sur la chanson québécoise a changé. « On nous regarde de moins haut », avance l’animatrice. Elle en veut pour preuve le passage des Lisa Leblanc, Pierre Lapointe ou Fred Pellerin à l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché. « C’était inimaginable il y a encore cinq ans », estime-t-elle.
Au lendemain des attentats de Paris, je me sentais … française
Décorée par le Canada, le Québec et la France3, Monique Giroux est également sociétaire de l’Académie Charles-Cros depuis 2001. Amoureuse de la France et de Paris, « un musée à ciel ouvert », elle aime s’y retrouver, s’asseoir sur un banc et ne rien faire pendant 20 minutes. « Au Québec, je ne fais pas ça, je me sens encore une responsabilité de bâtir », considère Monique.
Elle raconte avoir failli acheter, au printemps dernier, une maison à Réveillon en Basse-Normandie, celle de son ancêtre Toussaint Giroux, parti en Nouvelle-France en 1653. Après les attentats du 13 novembre, elle a voulu prendre l’avion pour Paris dès le lendemain. « Je me sentais démunie, inutile, …française », lâche l’animatrice, avant d’avaler une gorgée de sa tisane, pour cacher son émotion.
Elle reconnaît aimer le caractère des Français qui argumentent, s’engueulent et boivent un « pot » ensemble après. Pour le plaisir de l’échange, elle peut passer cinq heures à table. « Je jouais à ça avec mon père, se souvient-elle, avoir le dernier mot », ajoute-t-elle. « J’aime les gens vivants, colorés, qui gueulent et tapent sur la table, pour finir avec un grand rire », plaide l’animatrice. Avec un large sourire, joignant le geste à la parole, elle invite les Français à traverser l’Atlantique : « Venez! Venez nous aider à survivre! »
- Jean-Louis Foulquier, animateur sur France-Inter, est le créateur des Francofolies de La Rochelle. Il est décédé en 2013
- Chants libres à Monique le dimanche à 14h, et De l’autre côté de chez Monique le samedi à 22h, sur Ici Musique
- Membre de l’Ordre du Canada en 2010 (Canada), Officier des Arts et Lettres en 2014 (France), Ordre National du Québec en 2014 (Québec)
(crédit photo Une : Nathalie Simon-Clerc)
À revoir : Monique Giroux reçoit Juliette Gréco