» Merci Bertrand ! d’être venu nous voir au Québec » lance un spectateur alors que le noir est fait dans la salle. Bertrand vient d’entonner les premières notes de son dernier album « Toutes directions » au Cabaret du Mile End. Ce 21 septembre 2012, Pop Montréal a invité l’orfèvre de la pop française, Bertrand Burgalat.
Sa dernière visite à Montréal remonte à une trentaine d’années. Alors adolescent, il voyageait au Québec avec ses parents. Ce séjour est forcément empreint de nostalgie, car ses parents ont aujourd’hui disparu. Il retourne à la Place-des-Arts, remonte la rue Sainte-Catherine et entre dans l’hôtel dans lequel il était descendu en famille. Aujourd’hui père d’une adorable petite Jacqueline, il veut remettre ses pas dans ceux de ses parents et de son enfance, pour boucler la boucle… Alors il choisit avec soin des souvenirs du Québec pour Jacqueline, pour partager son histoire avec elle.
Il a gardé de sa jeunesse, cette timidité qui trahit un immense respect pour les autres, un look d’adolescent qui le définit si bien, et une passion de la musique qui l’habite depuis toujours. Seules ses pattes grisonnantes trahissent le temps qui passe. Façonné par Pink-Floyd, Kraftwerk et Klaus Schulze, il se découvre une passion soudaine pour la québécoise Ginette Reno. « Adolescent, je ne comprenais pas la chanson, j’ai fait une découverte tardive de Polnareff et Léo Ferré ».
Polo Lacoste, grosses lunettes d’écaille héritées d’un diabète persistant, pantalons serrés, Bertrand ne ressemble à personne, sauf à l’adolescent qu’il était, celui qui a toujours su qu’il était destiné à la musique. À l’heure ou ses copains de lycée amorcent une vie professionnelle « normale », il fonde Tricatel, label à son image : exigeant, différent, pour faire de la musique plus que de l’argent. « J’ai besoin d’admirer les gens avec qui je travaille, et je veux travailler avec des gens gentils » explique Bertrand. Il est parmi les spectateurs lorsque Jef Barbara fait la première partie de son show. Le fan admire la dernière « acquisition » de son écurie, le patron de label a la tête pleine de projets.
Il se prête avec humilité à une conversation passionnante avec Alain Brunet. À la fois volubile et timide, il raconte la musique qu’il aime, truffe son récit d’anecdotes, tente de convaincre son auditoire que sa démarche, même si elle ne le rend pas millionnaire, est la bonne. « Il faut faire la musique qu’on aime » explique-t-il aux jeunes venus le rencontrer. Lorsqu’on l’interroge sur la musique actuelle, il confesse avec un sourire espiègle : « je ne suis pas assez passéiste pour écouter du rock d’aujourd’hui ». Et il se fâche presque contre le système français qui distribue des subventions à « la bande des cinq labels soit-disant indépendants » au lieu de créer les conditions pour faire de la musique.
« Aujourd’hui, je suis heureux sur scène » m’avoue-t-il. Il rayonne sur celle du Cabaret du Mile End, et offre un concert magique à ceux qui l’ont attendu une partie de la nuit. Après une 1h30 de musique et plusieurs rappels, il finit par laisser la scène à ses fans pour la Bardot’s Danse. Bertrand est aux anges, en spectateur, chantant pour son public. Il prendra le temps ensuite de le rencontrer, de signer des autographes et de se prêter au jeu des photos. Mais il pense secrètement à rentrer vite à l’hôtel pour faire un skipe avec la petite Jacqueline, séparée si longtemps de son père pour la première fois.
Patron de label, il reste avant tout un artiste : « À part quelques concerts, je ne sais pas ce que je vais faire dans les mois qui viennent » confesse-t-il. Eh bien, pourquoi ne pas revenir au Québec cet été ?
Lien vers l’article original : L’Outarde Libérée